Le Livre
Maintenant tu es debout, ta belle tête bien haute dans la lumière crue et les ombres tranchées d’un été dans le Sud. Tu n’es pas assis sur un fauteuil roulant, ta main droite n’est pas posée sur ta cuisse comme un moineau saisi par le froid, tu ne jettes plus de regard noir sur un monde devenu indéchiffrable.
Tu es debout, vivant.
Avril 2020. La sidération règne face à un virus nouveau et à un tournant sécuritaire inédit. Dans la cacophonie ambiante, un tri qui ne dit pas son nom s’opère à l’hôpital public et des gens meurent seuls puis sont enterrés sans cérémonie.
Bruno Le Dantec, auteur notamment de La Ville-sans-nom. Marseille dans la bouche de ceux qui l'assassinent (Le Chien rouge, 2007) et de « Dem Ak Xabaar ». Partir et raconter : récit d’un clandestin africain en route vers l’Europe (avec Mahmoud Traoré, Nouvelles éditions Lignes, 2012), voit partir son père sans pouvoir lui dire adieu. Ce livre dessine le portrait d’un homme bon, d’une relation père-fils pudique et d’une ville aussi colorée que bruyante, mais dresse aussi la chronique de ce que voulait dire mourir dans l’état d’urgence d’une société néolibérale, en interrogeant ce que cela veut dire de notre humanité.
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Le 7 avril 2020, alors que les règles sanitaires imposées lors du premier confinement s’appliquent avec une rigueur maximale, un homme meurt seul dans une unité de soin, après s’être « laissé glisser », faute de comprendre pourquoi les siens ne venaient plus lui rendre visite. Ne désirant pas un enterrement religieux, sa famille se verra signifier qu’aucune procédure alternative n’ayant été envisagée, aucune cérémonie ne sera autorisée.
Dans une chronique de ces adieux volés, empêchés, Bruno Le Dantec, son fils, parle de ce que notre rapport à la mort veut dire de nous-mêmes. Alors que la France découvre avec sidération la rapidité et la facilité avec laquelle des restrictions de liberté vertigineuses sont mises en place, un virus dont on ne connaît rien, une communication politique cacophonique et un isolement déprimant, il parle de la déshumanisation d’une société obsédée par la gestion néolibérale, encore amplifiée en temps de Covid, et de celles et ceux qui tentent de rester solidaires malgré tout. Il dresse aussi un portrait sensible de l’homme qu’était son père, des liens avec l’Algérie et la Corse qui tissent son histoire comme celle de beaucoup d'enfants de Marseille, de ce que cette mort déplace en lui maintenant qu’il est le seul homme de sa famille. En creux transparaît un grand amour pour Marseille, pour les gens qui cohabitent tant bien que mal et pour la vie qui bat malgré tout.
Rencontres
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