Le Livre
Mes larmes étaient celles d’un désenchantement : un désenchantement féministe. J’avais échoué à trouver les mots qui auraient fait douter ces femmes de leur offensive contre d’autres femmes, de leur trahison d’un féminisme universel, de leur aveuglement par des biais racistes et islamophobes. Puisque l’islamisme était l’ennemi, celles qui affichaient leur adhésion à l’islam devenaient à leurs yeux l’incarnation de ce danger, et se retrouvaient exclues des luttes pour les droits des femmes.
Mais les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ?
Maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Strasbourg, Hanane Karimi déploie ici une réflexion sur la « nouvelle laïcité », l’islamophobie et l’héritage colonial français pour montrer comment les femmes musulmanes, désignées comme des ennemies de l’intérieur, se voient refuser l’accès à une citoyenneté pleine et entière, à l’espace public et à l’arène politique – voire, tout simplement, à l'identité de femmes dignes d’avoir des droits.
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Ce livre est issu de la thèse de doctorat d’Hanane Karimi, intitulée Assignation à l’altérité radicale et chemins d’émancipation. Étude de l’agency de femmes musulmanes françaises.
Revenant sur sa propre expérience de chercheuse musulmane « visible » et toutes les tentatives de décrédibilisation et d’intimidation auxquelles elle a fait face, elle mobilise des concepts tels que l’altérité radicale, la féminité paradoxale ou encore l’ennemi intérieur pour montrer les persistances de l’histoire coloniale de la France dans sa façon d’aborder l’immigration et sa descendance. Elle analyse la construction d’un discours sur l’impossible assimilation d’une certaine catégorie d’immigrés et d’enfants d’immigrés, la citoyenneté au rabais qui est accordée à ces « Français de papier » et la focalisation sur les femmes musulmanes, et en particulier celles qui portent le foulard, des discours islamophobes. Elle montre également comment une partie des luttes féministes se détourne de ces femmes, leur refusant l’accès à l’espace de la cause des femmes et contribuant à les isoler ; mais aussi comment la résistance s’organise, à différents niveaux et de différentes façons.
Note d’intention de l’autrice :
Ce livre est le résultat de la rencontre entre ma formation scientifique et mon expérience biographique. Si la littérature scientifique en sciences sociales est riche sur la question du voile et permet de saisir les conséquences du problème que représente le port du voile par des femmes en Europe, le cadre des connaissances sur la question recouvre principalement les dimensions sociologiques et politiques du phénomène. Je sentais qu’il n’avait pas encore été embrassé dans sa complexité et qu’il manquait un maillon, une dimension sensible et féministe pour comprendre les politiques de la nouvelle laïcité.
C’est dans un moment d’humiliation que je l’ai compris. En 2017, au cœur du Sénat, en plein débat public autour de la question « La laïcité garantit-elle l’égalité hommes-femmes ? », j’ai été huée parce que j’avais osé rétorquer à des féministes qui plaidaient pour une interdiction du voile encore plus étendue : « Si je comprends bien, vous souhaitez exclure des femmes sous couvert d’égalité homme-femmes. N’est-ce pas paradoxal ? Dois-je rappeler que sous le voile, il y a des femmes ? » Cette question avait provoqué une vague de huées. Des femmes dans le public criaient « Faites-la taire ! », d’autres demandaient mon exclusion.
Ce sont mes lectures de féministes africaines américaines qui ont éclairé ce moment. Il suffit de repenser à Sojourner Truth, qui exhortait son auditoire à voir en elle une femme, au-delà de sa couleur et de son statut d’esclave, pour voir que les femmes noires ne sont pas considérées comme des femmes – ce que vient corroborer le titre Ne suis-je pas une femme ? de bell hooks.
Je n’avais jamais lu nulle part une telle réflexion appliquée aux femmes musulmanes. C’est ce à quoi je me suis attelée dans Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ?
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