Le Livre
Née entre les années 1980 et 2000, la génération des Millenials a grandi dans un monde où le référentiel égalitaire prévaut : cela a des effets aussi sur le militantisme féminin nationaliste. En mai 2018, le Parti nationaliste français poste une vidéo intitulée « Nationalisme : militer avec féminité à la cuisine ». Après une première séquence où des jeunes femmes vêtues de jupes longues font la cuisine et la vaisselle en chantant des louanges religieux, on les voit en bermuda s’entraîner à courir dans un torrent boueux sous les instructions d’un militant, avec en fond sonore des guitares électriques au son saturé.
La Manif pour tous, qui s’est violemment opposée en 2012-2013 à la loi portée par Christiane Taubira visant à ouvrir le mariage aux couples homosexuels, a été l’occasion pour de nombreux (futurs) acteurs de l’extrême droite de se rencontrer, de se former et de s’agréger. Quelques années plus tard, on voit éclore dans ce champ de multiples formations féminines, voire autoproclamées féministes, qui abordent la cause des femmes depuis une tradition nationaliste, réactionnaire ou identitaire. Qu’elles s’appellent les Caryatides, les Antigone ou le collectif Némésis, Eugénie Bastié, Marianne Durano ou la revue Limite, toutes contribuent à reconfigurer un champ médiatique et politique de plus en plus ancré à droite et de moins en moins lisible.
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En 2012-2013, en opposition à la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, dite « Loi Taubira », les Manifs pour tous ont fait déferler dans les rues de France une droite dont peu soupçonnaient la détermination, le nombre et la radicalité. Dans le sillage de cette mobilisation s’opèrent des rapprochements et des complicités qui reconfigurent profondément le champ de la droite de la droite, notamment autour de la question de l’égalité des sexes. Si même Marine Le Pen ne peut plus aborder la condition des femmes comme le faisait son père, cette question devenue centrale est le point de départ de multiples prises de position aussi réactionnaires que déstabilisantes. Nombreuses sont celles qui considèrent le féminisme, et non les inégalités hommes-femmes, comme responsable des souffrances des femmes : c’est lui qui les oblige à mener des vies d’hommes en travaillant, à se soumettre au pouvoir médical en recourant à la contraception… Les Caryatides affirment leur antiféminisme, comme les Antigones, opposées aux Femen. D’autres, comme le collectif Némésis, issu des Identitaires, s’affirment féministes, mais attribuent la responsabilité des violences faites aux femmes exclusivement aux hommes migrants. Loin de se cantonner à des groupuscules inoffensifs, ces mouvements irriguent au contraire largement les champs médiatique et politique actuel et y exercent une influence réelle tout en brouillant les clivages politiques traditionnels, notamment en s’appuyant sur une rhétorique écologiste, comme on peut le voir à travers les figures d’Eugénie Bastié, de Marianne Durano et de la revue Limite.
Illustration de couverture : Juliette Maroni.